Le syndrome de glissement représente une détérioration rapide et souvent fatale de l’état général d’une personne âgée, combinant à la fois des aspects physiques et psychologiques. Cette affection touche principalement les seniors de plus de 80 ans et constitue une urgence gériatrique méconnue. Face à la gravité de ce syndrome et son taux de mortalité élevé sans prise en charge adaptée, il est essentiel de bien comprendre ses mécanismes, ses manifestations et les moyens de le combattre. Cet article vous propose un éclairage complet sur ce phénomène, depuis sa définition jusqu’aux stratégies de prévention, en passant par ses causes, ses symptômes et sa prise en charge.
Qu’est-ce que le syndrome de glissement ?

Le syndrome de glissement se définit comme un état de détérioration rapide, tant sur le plan physique que psychique, survenant chez les personnes âgées, principalement celles de plus de 80 ans. Il s’agit d’un concept gériatrique spécifiquement français, identifié par la communauté médicale hexagonale et touchant environ 1 à 4% des patients âgés hospitalisés.
Cette affection se caractérise par son évolution potentiellement fatale, avec un taux de mortalité atteignant 80 à 90% des cas en l’absence d’intervention adaptée. La dégradation peut survenir en quelques jours seulement et rarement au-delà de quelques semaines.
Historique du concept
Le terme « syndrome de glissement » a été introduit pour la première fois par le Dr Jean Carrié en 1956. Ce médecin français cherchait à décrire ce phénomène de déclin brutal observé chez certains patients âgés, sans cause médicale évidente. Le concept a ensuite été approfondi et popularisé par le Dr Gérard Delomier dans les années 1970, qui a contribué à sa reconnaissance dans la pratique gériatrique française.
Si ce syndrome reste principalement reconnu en France, des concepts similaires existent dans d’autres pays sous des terminologies différentes, comme le « failure to thrive » (échec à prospérer) dans les pays anglo-saxons, bien que les définitions ne se superposent pas exactement.
Les causes et facteurs déclenchants du syndrome de glissement

Les causes exactes du syndrome de glissement restent partiellement énigmatiques pour la communauté médicale. Certains experts le considèrent comme une forme particulière de dépression majeure, d’autres comme un état traumatique ou encore comme un équivalent suicidaire non verbalisé. Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’un processus complexe impliquant des dimensions tant physiologiques que psychologiques.
Facteurs physiques
Plusieurs événements touchant à l’intégrité physique peuvent précipiter l’apparition d’un syndrome de glissement :
- Maladies aiguës (infections, accidents vasculaires cérébraux)
- Interventions chirurgicales, particulièrement non préparées psychologiquement
- Traumatismes physiques comme les chutes ou les fractures, notamment du col du fémur
- Douleurs chroniques mal contrôlées
- Effets secondaires médicamenteux ou modifications thérapeutiques brutales
Facteurs psychologiques
Les facteurs psychologiques jouent souvent un rôle déterminant dans le déclenchement du syndrome :
- Deuil d’un proche, particulièrement du conjoint
- Changements environnementaux brutaux (déménagement, perte du domicile)
- Entrée non préparée en institution (EHPAD, maison de retraite)
- Sentiment d’abandon ou de perte d’utilité sociale
- Hospitalisation prolongée ou répétitive
Il est important de souligner que le syndrome de glissement constitue un diagnostic d’élimination. Les médecins doivent d’abord écarter d’autres pathologies pouvant expliquer la dégradation de l’état général (dépression classique, démence, infection, cancer, troubles métaboliques) avant de poser ce diagnostic.
Reconnaître les symptômes du syndrome de glissement
Identifier précocement les signes du syndrome de glissement est crucial pour intervenir avant que l’état ne devienne irréversible. Ce syndrome se manifeste par une constellation de symptômes caractéristiques qui s’installent et s’aggravent rapidement.
Signes psycho-comportementaux
- Repli sur soi marqué et rupture relationnelle : la personne se déconnecte progressivement de son entourage, refuse d’interagir ou se montre indifférente aux visites
- Apathie et anhédonie : perte d’intérêt pour les activités autrefois appréciées
- Expression verbale ou non-verbale d’un désir de mourir ou d’un renoncement à vivre
- Regard éteint, visage inexpressif, souvent tourné vers le mur
- Mutisme ou réduction significative de la communication
Signes physiques
- Refus d’alimentation et d’hydratation, pouvant être actif ou passif
- Refus de soins : la personne ne veut plus se lever, se laver ou prendre ses médicaments
- Désintérêt pour son apparence et son hygiène personnelle
- Position en décubitus dorsal prolongé, avec peu ou pas de mobilité spontanée
- Dénutrition et déshydratation s’installant rapidement
La progression est généralement rapide : en quelques jours, on observe une détérioration des constantes vitales avec hypotension, bradycardie, hypothermie et trouble de la conscience pouvant mener au décès si aucune intervention n’est mise en place.
| Stade | Manifestations | Délai |
|---|---|---|
| Précoce | Repli sur soi, réduction des interactions, perte d’appétit légère | Premiers jours |
| Intermédiaire | Refus alimentaire, apathie marquée, désintérêt général | 3 à 7 jours |
| Avancé | Déshydratation, dénutrition, altération des constantes vitales | 7 à 14 jours |
| Terminal | Troubles de la conscience, complications métaboliques sévères | Au-delà de 14 jours |
Prise en charge et traitement du syndrome de glissement
Face au syndrome de glissement, le temps est un facteur déterminant. Plus l’intervention est précoce, plus les chances de réversion sont élevées. La prise en charge doit être globale et multidisciplinaire, combinant approches médicales, psychologiques et sociales.
Intervention médicale
La première étape consiste à traiter les causes organiques identifiables :
- Réalisation d’un bilan médical complet pour écarter toute pathologie sous-jacente
- Prise en charge des problèmes somatiques (infections, douleurs, etc.)
- Réévaluation et ajustement des traitements médicamenteux pour limiter les effets indésirables
- Mise en place d’une réhydratation adaptée, parfois par voie parentérale si nécessaire
Approche nutritionnelle
La réalimentation constitue un axe majeur du traitement :
- Adaptation des repas aux goûts et aux capacités du patient (texture, température, présentation)
- Enrichissement calorique et protéique des alimentations
- Compléments nutritionnels oraux adaptés
- En cas de nécessité, alimentation entérale temporaire, tout en maintenant si possible des prises orales pour le plaisir
Soutien psychologique
La dimension psychologique est fondamentale dans la prise en charge du syndrome de glissement :
- Entretiens psychothérapeutiques adaptés à la personne âgée
- Traitement médicamenteux des troubles de l’humeur si nécessaire
- Techniques de stimulation cognitive et sensorielle
- Approches non médicamenteuses : musicothérapie, art-thérapie, thérapie par l’animal
Mobilisation et réadaptation
Lutter contre l’immobilisation est essentiel :
- Kinésithérapie quotidienne, même passive dans les premiers temps
- Verticalisation progressive et stimulation à la marche
- Ergothérapie pour favoriser la reprise des activités quotidiennes
Implication de l’entourage
L’entourage joue un rôle crucial dans le processus de récupération :
- Information et sensibilisation des proches sur le syndrome
- Encouragement à maintenir une présence régulière et stimulante
- Participation aux soins quand c’est possible et souhaité
- Soutien psychologique aux aidants eux-mêmes
Avec une prise en charge précoce et adaptée, le pronostic peut être amélioré significativement. Alors que la mortalité sans intervention appropriée peut atteindre 90%, une prise en charge adaptée peut la réduire considérablement, avec des taux de récupération pouvant dépasser 50% dans certaines études.
Prévention du syndrome de glissement chez les personnes âgées
Prévenir le syndrome de glissement repose principalement sur l’identification et la gestion des facteurs de risque, ainsi que sur la mise en place d’un environnement favorable au bien-être psychologique et physique de la personne âgée.
Maintien du lien social
L’isolement social constituant l’un des principaux facteurs de risque, il est primordial de :
- Favoriser les visites régulières des proches
- Encourager la participation à des activités collectives
- Mettre en place des dispositifs de communication (téléphone adapté, visioconférence) pour les personnes isolées
- Développer des réseaux de bénévoles pour les visites de courtoisie
Préparation aux changements majeurs
Les transitions de vie représentent des moments particulièrement à risque :
- Préparer psychologiquement l’entrée en institution avec des visites préalables
- Organiser des séjours temporaires avant une institutionnalisation définitive
- Anticiper les hospitalisations programmées avec des explications adaptées
- Permettre la personnalisation de l’environnement (objets familiers, photos)
Préservation de l’autonomie
Maintenir les capacités fonctionnelles est essentiel pour prévenir le syndrome de glissement :
- Adaptation du domicile pour faciliter les déplacements et l’autonomie
- Encouragement à l’activité physique régulière adaptée
- Stimulation cognitive par des activités variées et personnalisées
- Valorisation des capacités préservées plutôt que focalisation sur les déficits
Formation des soignants et des aidants
La sensibilisation des personnes au contact des personnes âgées est primordiale :
- Formation des professionnels de santé à la détection des signes précoces
- Sensibilisation des aidants familiaux aux facteurs déclenchants
- Développement d’outils d’évaluation du risque en milieu hospitalier et institutionnel
- Mise en place de protocoles de surveillance renforcée après un événement à risque
Vigilance accrue dans les situations à risque
Certaines situations nécessitent une attention particulière :
- Après un deuil récent, particulièrement celui du conjoint
- Suite à une hospitalisation ou une intervention chirurgicale
- Lors de changements thérapeutiques importants
- À l’occasion d’anniversaires symboliques ou de dates commémoratives difficiles
La prévention du syndrome de glissement s’inscrit dans une approche globale du vieillissement, visant à maintenir non seulement la santé physique mais aussi le sentiment d’utilité, de dignité et d’appartenance sociale de la personne âgée. Elle repose sur une vigilance partagée entre les professionnels, les proches et la société tout entière.
Le syndrome de glissement : un enjeu de société face au vieillissement
Le syndrome de glissement reflète la vulnérabilité particulière des personnes âgées face aux bouleversements de leur équilibre vital. Sa prise en compte représente un enjeu majeur dans une société vieillissante. Reconnaître les signes précoces, intervenir rapidement et de façon multidisciplinaire, mais surtout prévenir son apparition par une attention bienveillante aux transitions de vie des aînés, constituent les piliers d’une approche éthique et efficace. Face à ce syndrome, le message essentiel demeure celui de l’espoir : dans la majorité des cas, lorsqu’il est détecté tôt et pris en charge de façon adaptée, le syndrome de glissement peut être réversible, offrant ainsi un nouvel horizon à la personne âgée. L’information et la formation de tous les acteurs impliqués auprès des personnes âgées représentent donc un investissement crucial pour la qualité de vie de nos aînés.
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